La Big Boy: 80.000 litres aux 100 km. – Train Consultant Clive Lamming

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La Big Boy: 80.000 litres aux 100 km. – Train Consultant Clive Lamming

2024-05-18 23:18| 来源: 网络整理| 查看: 265

Une Big Boy sur une affiche publiée aux USA pendant la Seconde Guerre mondiale : cette locomotive légendaire symbolise l’effort de guerre auquel chaque Américain doit participer. La Big Boy N°4018 en attente au départ avec un train de plusieurs milliers de tonnes, pour la traversée des Rocheuses par Cheyenne et Ogden (voir la carte ci-dessous). Locomotive mythique entre toutes, la Big Boy a été reproduite en modèle réduit, à toutes les échelles, mais surtout sous forme de gros modèles en « 0 » ou en « 1 », tout métal, valant une fortune et destinés à une élite d’amateurs très connaisseurs, dans le monde entier.

La Big boy : tout simplement le plus « gros garçon » du monde. On connaît les Américains, ceux des Etats-Unis bien sûr  : beaucoup de choses et d’événements sont  présentés, chez eux, comme étant les plus grands « in the world » et, à force d’entendre ce qualificatif tant répété, on reste dubitatif. Mais cette fois, pour la Big Boy, ils ont raison, tout simplement raison. Quand elle est construite en 1941 elle est, vraiment, la plus grande locomotive du monde avec son poids de 541 tonnes tender compris, soit le poids d’un train entier en Europe, et la plus puissante en traction vapeur, avec plus de 5000 ch permettant de remorquer des trains de 7000 à 9000 tonnes ! Jamais aucune locomotive à vapeur n’approcha de telles dimensions et de telles performances.

Equipe de conduite dans la cabine d’une Big Boy, et sur le tender un collègue d’une autre locomotive en équipe avec l’auteur de la photo. Le gabarit du chemin de fer américain, très généreux, surtout en hauteur, est en évidence. Multiplier les roues pour réduire le poids par roue sur les rails.

Pendant les années 1940 les chemins de fer des Etats-Unis doivent répondre à une nouvelle demande de transport sans précédent, surtout en matière de marchandises.  L’effort de guerre à partir de 1943 imposera des trains très longs et très lourds, transportant des armements, des blindés, des véhicules militaires et des pièces détachées en direction des ports. On peut doubler ou tripler les locomotives en tête des trains, mais cette solution, facile en traction électrique ou diesel, n’est pas, en traction vapeur, n’est ni souple ni commode : il faut songer à construire des locomotives encore plus lourdes et encore plus puissantes.

La locomotive classique à châssis rigide d’une seule pièce trouve là ses limites, car pour la rendre plus puissante il faut l’allonger encore, mais une plus grande longueur lui interdit l’inscription dans les courbes serrées et sinueuses des lignes américaines. La seule solution est de l’articuler, c’est-à-dire de la faire reposer sur plusieurs trains d’essieux moteurs pouvant pivoter par rapport à la locomotive quand elle s’engage dans une courbe, ceci à la manière des wagons et des voitures à bogies.

Mais, aussi, l’état précaire des voies américaines demande une limitation du poids par essieu, même si ce poids reste malgré tout plus élevé qu’en Europe ou dans le reste du monde avec une trentaine de tonnes contre une vingtaine. Il ne sert à rien de concevoir des locomotives très puissantes, donc très lourdes, si elles détruisent les voies en les écrasant sous leur propre poids. La solution est de les faire reposer sur le plus grand nombre de roues possible de réduire le poids par essieu.

Plan schématique d’une Big Boy. « Straight » ou « Articulated » ?

Ce n’est pas la question que l’on vous pose quand vous êtes dans un restaurant américain, fast-food ou non. Il s’agit bien de choisir, au menu présenté à l’exploitant d’un réseau ferré, la locomotive appropriée. A l’époque, la tradition américaine est, comme ailleurs dans le monde, la « straight locomotive », terme que l’on pourrait traduire par locomotive rigide, droite, d’une seule pièce. Pour augmenter la puissance demandée par des trains de plus en plus lourds, il faut faire des locomotives plus grandes, donc plus longues. Le nombre d’essieux moteurs passe de quatre à cinq, puis on envisage six essieux.  Mais avec six essieux accouplés sous un seul châssis rigide, on découvre que les essieux extrêmes imposent, sur les courbes à faible rayon, des contraintes mécaniques et des frottements inacceptables pour les rails, ce qui tend à sur écarter et à user prématurément les voies.

Diviser le châssis en deux sous châssis comportant chacun trois ou quatre essieux apparaît comme la solution: c’est la naissance de la machine dite  « articulated locomotive ». L’essai, en 1903, par le Baltimore & Ohio Railroad, d’une locomotive articulée de type 030+030 est bien faite dans le cadre d’une course à la puissance, donc à l’augmentation du nombre d’essieux moteurs. Une nouvelle page se tourne dans l’histoire de la locomotive à vapeur américaine : la course à la puissance peut prendre son deuxième élan, et c’est surtout pendant les années 1920 et 1930 que les Américains mettront en service de véritables monstres pesant des centaines de tonnes tender compris, et à coté desquels les locomotives européennes font figure de jouets.

Un Suisse qui triomphe au Far West. 

Mais rien ne peut se faire en matière de grosses locomotives articulées américaines sans utiliser les techniques mises au point par Anatole Mallet (1837-1918) qui est né en Suisse, à Genève. Cet ingénieur fait ses études à l’École Centrale des Arts et Manufactures de Paris et s’intéresse, dès les années 1877, aux locomotives dites «compound» : ce sont les locomotives utilisant la détente de la vapeur d’abord dans des cylindres haute puis dans des cylindres basse pression successifs, selon une technique déjà utilisée dans les moteurs à vapeur de la marine.

Mallet n’est donc pas l’inventeur du compoundage, en revanche, l’originalité de son système repose sur  l’utilisation de deux trains d’essieux moteurs pour une locomotive : un train arrière fixe, entièrement solidaire de la locomotive et doté de cylindres haute pression, et un train avant mobile doté de cylindres basse pression alimentés par des passages de vapeur articulés. Il applique son système aux locomotives articulées de son temps et le fait breveter en 1884. Le succès des Mallet en Suisse et en France fut très relatif : nul n’est prophète en son pays…. Mais dans les pays neufs ayant besoin de locomotives très puissantes, le système Mallet fut très utilisé, notamment aux Etats-Unis.

Il est à noter que le système Mallet est tellement connu que beaucoup d’amateurs de chemins de fer appellent «Mallet» toute locomotive articulée, alors qu’il n’en est rien. Il y a de nombreux systèmes d’articulation des locomotives comportant deux trains articulés entraînés soit par embiellage classique (Meyer, Meyer-Kitson, Fairlie, Garratt, etc.) soit par arbres à cardans et engrenages (Heisler, Shay) cette dernière technique étant purement américaine et très utilisée dans les exploitations forestières de l’Ouest.

Dans le système Mallet originel la vapeur est d’abord utilisée dans les cylindres haute pression du train fixe arrière, puis passe au train mobile avant grâce à un système de tuyaux articulés sur des rotules sphériques. Sur le train mobile avant, elle achève son travail de détente dans les cylindres basse pression, puis s’échappe dans l’atmosphère par la cheminée, en utilisant à nouveau des tuyaux articulés sur rotules sphériques.

Si les réseaux américains utilisent massivement et avec un grand succès le système Mallet pour leurs locomotives articulées, ils simplifient les choses en se passant du «compoundage», et en utilisant seulement des cylindres haute pression sur les deux groupes d’essieux moteurs. Il s’agit donc de locomotives à simple expansion, ce qui est le cas de la «Big Boy». C’est pourquoi le nom de Mallet ne doit pas nécessairement être associé à l’idée de « compoundage ».

Anatole Mallet, inventeur de la locomotive à vapeur articulée. Il remporte un certain succès en France, pays où il fait ses études et s’installe, pour ses locomotives articulées en voie métrique, mais sa renomée devient mondiale avec l’adoption de son système par les réseaux américains les plus prestigieux et en voie normale. Le « gros garçon» entre en scène.

La Big boy (littéralement « gros garçon ») est l’une des locomotives articulées système Mallet les plus connues. Elle est, à son époque, la plus impressionnante et la plus belle des locomotives américaines, et la fierté de l’Union Pacific, dont le réseau de l’Union Pacific dessert l’ensemble de l’Ouest Américain. Le point noir du réseau se trouve sur les lignes traversant les Rocheuses, et le problème de la traction de trains de plus en plus lourds sur les rampes à 15,5 pour 1000 des Monts Wasatch. La solution est une locomotive articulée à disposition d’essieux type 240+042, comportant donc, d’avant en arrière, deux essieux porteurs, un groupe de quatre essieux moteurs, un deuxième groupe de quatre essieux moteurs, et enfin deux essieux porteurs. Le tender, lui, repose sur sept essieux. Longue de 40 mètres avec son tender, soit plus du double de la longueur des plus grandes locomotives européennes ou américaines classiques, elle fait sensation quand elle est présentée en 1941.

Publicité de l’American Locomotive C°, constructrice de la Big Boy, pendant la Seconde Guerre mondiale. L’empire de l’Union Paciic, le plus grand réseau américain, totalisant plus de 50.000 km de lignes (soit, à lui seul, beaucoup plus que le réseau français). Les Big Boy excellent sur la ligne traversant les Rocheuses par Cheyenne et Ogden. Consommation : 80 000 litres d’eau et 11 400 kg de charbon aux cent kilomètres !

Pour une consommation, c’en est une ! Mais sachant qu’elle remorque 4.000 à 7.000 tonnes, cela nous donnera, pour une tonne remorquée à 100 km/h, 47 litres d’eau et 7 kg de charbon avec 4.000 tonnes, soit bien moins que leur équivalent énergétique consommé par la voiture ou le camion qui peuvent atteindre, dans ces conditions, plus de 30 kg de charbon tout en générant une pollution dangereuse. Et quand la « Big boy » remorque 7.000 ou même 9.000 tonnes, son rendement est encore plus intéressant.

Les 28,5 tonnes de charbon et surtout les 190 tonnes d’eau du tender sont avalées en deux ou trois heures dans les conditions habituelles d’exploitation de ces locomotives car la « Big boy » est non seulement puissante, mais aussi très rapide. Elle peut rouler à plus de 120 km/h, ce qui est exceptionnel pour ce genre de locomotive lourde,  et elle donne sa puissance maximale à 100/110 km/h. C’est pourquoi, exceptionnellement, il est vrai, on a pu la voir remorquer des trains de voyageurs d’une manière très honorable, pour suppléer à une locomotive défaillante. Mais, pour en revenir aux tâches qui lui sont dévolues, elle peut remorquer des trains de 4000 tonnes, à 33 km/h sur une sévère rampe de 8 pour 1000, mais aussi de 3000 tonnes à 112 km/h en palier. La distance de 94 km séparant Carter de Green River, sur la ligne du Wyoming, est couverte à la vitesse moyenne de 77,5 km/h en tête de trains de 2800 tonnes.

Caractéristiques techniques de la Big-Boy :

Type : 2442

Date de construction : 1941

Diamètre des cylindres : 604 mm.

Course des pistons : 813 mm.

Diamètre des roues motrices : 1,73 m.

Surface de la grille du foyer : 14 m2

Puissance : 6400ch à 68 km/h.

Contenance du tender en charbon : 28,5 t.

Contenance du tender en eau : 190 t.

Longueur totale tender compris : 40 m.

Vitesse maximale en service : 128 m/h.

Poids total tender compris : 541 t.

La Cab Forward : la cabine de Monsieur est avancée.

Une Big Boy à l’envers ! C’est bien l’impression que l’on a en voyant cette curieuse machine, et l’on croirait volontiers que le mécanicien s’est trompé et a attelé son tender à l’avant de sa locomotive au lieu de l’atteler à l’arrière…Et quand on vous explique que le tender est parfaitement à la sa place, on s’y perd : où est donc l’avant, et où est l’arrière ? La cabine est donc à l’avant, et la cheminée à l’arrière, et le tender suit le tout. Et pourtant il y a une raison précise à ce qu’elle soit ainsi: les poumons des équipes de conduite.

Dès les débuts des chemins de fer les émissions de fumée de la locomotive, accompagnée de nombreux gaz toxiques, posent des problèmes lors des parcours en tunnel, en attendant, d’ailleurs, que l’on découvre qu’il y a un problème sur l’ensemble du parcours si l’on considère l’environnement. Mais le parcours en tunnel est, donc, la première forme du problème et le savant français Arago, durant les années 1830, attire l’attention des pouvoirs publics sur le danger.

Si encore les voyageurs peuvent fermer les fenêtres et se blottir dans les compartiments, les équipes de conduite, elles, restent exposées à la fumée sur des plates-formes de conduite exposées à tous les vents, et souffrent. Cette souffrance devient infernale si le tunnel est long et s’il est en rampe, la locomotive alors fournissant un effort maximal et produisant un maximum de gaz.

Devant l’accroissement du nombre des malaises, certains étant très graves, les compagnies vont s’ingénier à trouver une solution. Vers la fin du XIXe siècle on équipe les plates-formes de conduite d’appareils respirateurs, des masques reliés à des bouteilles d’oxygène, et d’autres encouragent les essais de cabines de conduite situées à l’avant de la locomotive : ce sera le cas des locomotives dites « Mucca » italiennes, ou des locomotives d’essais allemandes comme les S9, ou de la fameuse « Leader » anglaise du lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Une « Cab Forward », donc avec cabine de conduite à l’avant. Les équipes de conduite découvrent les avantages d’une excellente vision que connaissent déjà les équipes en traction diesel ou électrique. Encore que… bien des locomotives électriques américaines ont un cabine centrale comme les GG-1. The right man in the right place…

Le problème, dans ces dispositions d’une cabine à l’avant, est la conduite du feu. Sur l’ensemble des locomotives à vapeur du monde, et dès les débuts, le chauffeur est placé entre le tender et le foyer de la locomotive. Le tender est un véhicule ouvert à son avant pour mettre son chargement de charbon à la disposition du chauffeur, et la locomotive est un véhicule ouvert à son arrière pour permettre le chargement du foyer par le chauffeur par la porte à bascule dite « gueulard ». Le chauffeur est bien entre les deux parties de l’ensemble locomotive + tender qui le concernent et qui sont en vis-à-vis.

Le tender ne peut donc être ailleurs que placé à l’extrémité de la locomotive comportant le foyer. Donc le mécanicien, dans le cas d’une locomotive à cabine avant, est posté à l’avant de la locomotive, et se retrouve seul, laissant aussi le chauffeur seul à l’arrière. Cette disposition qui désolidarise complètement l’équipe de conduite, et empêche toute l’entraide qu’ils s’apportent mutuellement pendant la marche du train, est, on s’en doute, peu populaire parmi les équipes de conduite. 

Mais, avec l’apparition de la chauffe au fuel, le problème pourra trouver une solution dans la mesure où le fuel est liquide et peut parvenir au foyer par des tuyauteries, ceci depuis un tender éloigné, situé à l’autre extrémité de la locomotive. On peut donc retourner la locomotive sur elle-même, et placer la cabine de conduite à l’avant, et laisser le tender à l’arrière.

Les tunnels de la Sierra Nevada.

La Southern Pacific exploite, aux USA, un certain nombre de lignes franchissant la barrière de la Sierra Nevada, principalement entre Sacramento et Sparks sur la grande ligne transcontinentale reliant San-Francisco à  Salt Lake City et à Chicago. La section reliant Sacramento à Sparks est en pleine montagne et de nombreux tunnels se succèdent, complétés par des tunnels pare-avalanches ou pare-neige. Les rampes sont de 25 pour mille et les trains de marchandises sont immenses, interminables, pesant des milliers de tonnes.

Il faut, à partir du début de notre siècle, des locomotives encore plus puissantes et il en faut plusieurs par train. On ne peut pas grouper les locomotives en tête du train, car l’effort sur le premier wagon serait trop important: on répartit les locomotives sur toute la longueur du train, une locomotive tous les 30 wagons environ. Dans les tunnels, les équipes de conduite respirent les fumées de toutes les locomotives qui précèdent la leur. On comprend que c’est absolument intenable…

Mettre tout le monde devant.

En 1928 la Southern Pacific reçoit ses premières Cab Forward (= cabine à l’avant), construites chez Baldwin. La série de 195 machines sera construite jusqu’en 1944. La conception de ces machines repose sur deux principes: assez de puissance pour être seules en tête des trains et une équipe de conduite totalement à l’avant de la machine. Ainsi les fumées rejetées restent en arrière dans le tunnel et ne passent plus par dessus la cabine de conduite.

La locomotive Cab Forward est bien une Big Boy inversée dont le bogie avant, ici passé à l’arrière, est devenu un bissel. Entre 1928 et 1944 quelques changements techniques interviennent, notamment en matière de puissance. Les premiers modèles se reconnaissent à la forme avant de la cabine qui est plate. Ces locomotives rencontrent un succès total auprès des équipes et sont excellentes.

L’impressionnant tender des Cab Forward est rempli de fuel qui doit donc « remonter », par une longue conduite, jusqu’au foyer situé à l’avant de la locomotive. Mais…. comment charger le foyer ?

Effectivement c’est la question qui se pose d’emblée pour tout esprit observateur: comment fait le chauffeur pour charger le foyer, qui est à l’avant de la locomotive dans la cabine, alors que le tender se trouve à l’autre extrémité de la locomotive, au-delà de la cheminée ? Circule-t-il acrobatiquement, en tenant une pelle de charbon pleine, tout le long de la locomotive, elle même roulant à pleine vitesse ?

La forme du tender donne immédiatement la réponse: il est rempli de fuel, et un simple pompe et un système de tuyauteries suffisent pour l’alimentation du foyer.  Ce n’est donc pas une locomotive brûlant du charbon et, par définition, la « cab forward » est donc une locomotive à fuel.

Caractéristiques techniques.

Type : 2-4-4-1 système Mallet.

Année de construction : 1928

Moteur : 4 cylindres simple expansion.

Cylindres : 609 × 812 mm.

Diamètre des roues motrices : 1600 mm.

Pression de la chaudière : 17 kg/cm².

Masse : 215 t.

Vitesse : 90 km/h.

Pouvait-on faire mieux que la Big-Boy ?

Impossible, bien sûr… Mais cela a été tenté. La Big Boy est une Mallet « Duplex », donc à deux trains de roues motrices. On a essayé quelques « Triplex » sans succès, et on a même imaginé une « Quadriplex » restée à l’état de projet. Elle devait être « too much »…

La Triplex Mallet est bien la locomotive dinosaure aux vingt-quatre roues motrices. Chez elle, tout va par trois là ou, pour la Big Boy tout va par deux, et pour les plus grandes locomotives européennes, tout va par un : trois ensembles de quatre essieux moteurs, trois ensembles de cylindres, trois mouvements, trois distributions. Véritable « trois en un », cette  locomotive articulée dite Triplex est souvent modestement présentée comme une «  locomotive-tender » dans la presse américaine. Mais quand on sait qu’elle pèse 388 tonnes (donc moins lourde que la Big Boy qui conserve son titre, que l’on se rassure), on commence à réaliser que cette locomotive est assez monstrueuse. Mais cela ne suffisait pas pour la rendre performante….

Le principe de la séparation de la Triplex en trois trains de roues motrices: seul le train central est solidaire de la locomotive et reçoit donc les cylindres haute pression. Les cylindres basse pression, travaillant avec l’échappement des haute-pression, sont sur les parties articulées et demandent une tuyauterie elle-même articulée, donc peu apte à la haute pression. Les problèmes du Virginian.

Le Virginian Railroad exploite, à l’Est des USA, une ligne minière qui lui donne bien des difficultés, ceci sur un rude tronçon situé à l’ouest de Roanoke, en Virginie, plus précisément entre Elmore et Clarks Gap. La ligne comprend une rampe de 21 pour mille, longue de 18 km, et très sinueuse avec de très nombreuses courbes d’un rayon de l’ordre de 150 mètres seulement. Bref, voilà tout ce qu’il faut pour déplaire à la locomotive la plus courageuse…

Comme beaucoup de réseaux américains des années 1910 et 1920, le Virginian résout le problème grâce aux locomotives articulées système Mallet, ceci dès 1912 avec des imposantes 140+041, puis, en 1918, des 150+051 qui sont tellement énormes qu’il faut les acheminer depuis l’usine Baldwin avec leur cabine et leurs cylindres démontés car ces pièces engagent le gabarit, pourtant très généreux aux Etats-Unis !

Ces machines sont capables, lors d’essais, de remorquer un train de 2400 m de long pesant 15 500 t, soit, de très loin, un record mondial à l’époque: songeons que les trains les plus lourds en Europe ne dépassent guère 3000 t et aux USA environ 10 000 t. Mais cela ne suffit pas encore: la demande de transport de charbon est telle qu’il faut encore plus de puissance pour faire face à des trains encore plus longs, encore plus lourds.

Les problèmes de l’Erie.

Le réseau de l’Erie connaît des problèmes de traction analogues, et l’un de ses ingénieurs innove sous la forme d’une Mallet allongée comportant trois trains moteurs au lieu de deux, comme si le tender, en quelque sorte, participait à l’effort de traction, ceci conformément au brevet de l’ingénieur américain Henderson déposé en 1912.

Le réseau de l’Erie fait construire une machine à trois trains de quatre essieux moteurs et six cylindres, du type compound, les deux cylindres haute pression étant centraux, du type 140+040+041. La locomotive est très belle, et pèse 377 tonnes. Mais la chaudière de la locomotive arrive difficilement à fournir la quantité de vapeur nécessaire et après les essais prolongés des trois prototypes construits, l’Erie abandonne ses Triplex.

La Triplex de l’Erie, d’après une gravure de l’époque. Noter la cheminée d’échappement sur le tender pour les cylindres placés à l’arrière de la locomotive. La Triplex de l’Erie qui, sans nul doute, a inspiré l’auteur de la gravure ci-dessus. Une Triplex du Virginian en action: le lourd train semble interminable: certains de ces trains de charbon on atteint 23.000 tonnes !. La Triplex du Virginian les résout-elle ?

Le Virginian reprend le problème à son compte et fait fabriquer par Baldwin une autre Triplex avec des cylindres ayant un volume en meilleur rapport avec les possibilités de production de vapeur de la chaudière. Mais, surtout, on prolonge le tender vers l’arrière pour en augmenter la capacité de transport de charbon et d’eau, ce qui vaut à ce tender de reposer sur un bogie plutôt qu’un simple bissel, la locomotive passant au type 140+040+042.

Cette Triplex est utilisée comme locomotive de pousse sur une ligne à fort trafic de charbon, et peut pousser des trains de 23 500 t aux essais avec une Mallet 130+031 en tête ! Mais des fuites chroniques dans les articulations des tuyaux conduisant la vapeur aux trains articulés avant et surtout arrière réduisent le rendement de la locomotive, tant et si bien que la locomotive fut séparée en deux locomotives distinctes, les deux premiers trains donnant une 140+040 articulée classique à qui on ajouta un tender séparé, et le troisième train donnant une 142 à qui on ajouta aussi un tender séparé. Les fantastiques Triplex avaient vécu.

Locomotive-tender ou locomotive à tender moteur ?

Cette fin de la Triplex, coupée en deux, n’est pas, en fait, en rupture technique avec la constitution même de la locomotive, pour ne pas dire qu’elle était tout à fait possible. En effet si certains auteurs présentent la locomotive comme une locomotive-tender n’ont pas tout à fait raison : une locomotive-tender n’a qu’un seul châssis portant sur lui l’ensemble de tout ce qui constitue la locomotive, y compris le tender sous la forme de caisses à eau et de soutes à charbon. Ce n’est pas le cas de la Triplex qui est bien composée de deux véhicules ayant chacun leur châssis.

Sur la Triplex, la partie arrière, formant tender, est bien un véhicule séparé. La locomotive est une 140+040 Mallet articulée classique, et elle a un tender à quatre essieux moteurs, alimenté par un système de tuyaux de vapeur articulés apportant la vapeur basse pression qui a déjà travaillé dans les cylindres haute pression de la locomotive. La vapeur ayant travaillé dans les cylindres basse pression du tender s’échappe ensuite par une cheminée arrière, placée sur le tender même, après avoir quelque peu réchauffé l’eau du tender, ce qui fait économiser du charbon puisqu’il y a récupération d’énergie.

L’idée du tender moteur est très ancienne : l’anglais Sturrock l’essaie en 1863, mais sans succès pour des raisons d’étanchéité des tuyaux articulés apportant de la vapeur à haute pression. Son idée est bonne, car elle permet de transformer le tender, véhicule représentant un fort poids mort, en véhicule dont le poids considérable participe à l’effort de traction et donc a l’adhérence de la locomotive. C’est ainsi que, sur la Triplex, 90% du poids de la locomotive, tender compris, est un poids adhérent – terme utilisé pour désigner la partie du poids total reposant sur les roues motrices – alors que, sur une locomotive classique à tender inerte, on est déjà heureux d’avoir un poids adhérent de 50 à 70%. C’est ce poids adhérent remarquable qui permet à une Triplex de décoller un train de 250 wagons, pesant 16 200 tonnes, et de le faire rouler à 22 km/h, un exploit correspondant à 59 tonnes d’effort au crochet de traction, un record mondial. Il fallut pousser le train, au démarrage, avec d’autres locomotives en queue, car les ingénieurs craignaient que, devant un tel effort, les attelages du train ne se brisent les uns après les autres !

Le projet de Quadriplex jamais réalisé. C’est, dans une certaine mesure, une Cab Forward.

Caractéristiques techniques de la Triplex :

Type : 1-4-4-4-2

Date de construction : 1916

Moteur : 6 cylindres compound

Cylindres haute pression : 834 x 813 mm

Cylindres basse pression : 834 x 813 mm

Diamètre des roues motrices : 1422 mm

Pression de la chaudière : 15,116 kg/cm2

Surface de la grille du foyer : 10,1 m2

Masse : 382,8 t

Longueur : 29,9 m

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